
Dans le cadre du projet Archipelagos, porté par ATLAS et co-financé par l’Union Européenne, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et La Sofia, Aude Fondard a effectué une résidence d’exploration à Athènes en Grèce, puis à Arles. Aude danse, écrit et traduit du grec moderne vers le français.
Nous vous proposons de découvrir son exploration et ses découvertes littéraires.
Comment vas-tu ? Comment s’est passé ton séjour ?
Bien, mais je me dis que deux semaines, c’est trop court !
J’ai fait la demande de cette bourse d’exploration pour deux semaines, en pensant : « J’irai une semaine à Athènes et une à Thessalonique. » J’avais un objectif avec une thématique précise : trouver des livres LGBTQIA+ qui, je trouve, ne sont pas forcément mis en avant. L’idée était de « récolter des livres », de rencontrer des personnes sur place. En fin de compte, je suis resté·e plus longtemps que prévu en Grèce, trois semaines de plus à mes frais. C’était essentiel pour moi, afin de me replonger dans la langue, de retrouver des ami·e·s et d’être en immersion dans le pays.

Quelles ont été les différentes étapes de ton exploration ?
Avant d’y aller, j’avais fait un petit travail de recherche sur internet, pour commencer à identifier des œuvres qui pourraient être intéressantes dans la thématique choisie. J’avais aussi écrit à Patakis, une maison d’édition pour laquelle j’avais déjà traduit des extraits d’une pièce d’une autrice, qui m’a alors envoyé des livres indépendamment.
J’aime aussi travailler sur les recommandations de mes ami·e·s, pas seulement avec les librairies ou derrière un ordinateur. Par exemple, j’étais chez une amie qui a un enfant donc j’ai pu me plonger dans la littérature jeunesse et faire ma sélection.
Je suis ensuite allé·e dans le Péloponnèse faire un stage de danse dans lequel la moitié des personnes étaient d’origine grecque. Ça m’a donc permis de parler grec et de rencontrer des gens de mon âge ayant les mêmes centres d’intérêt. C’était vraiment super !
Depuis que je suis arrivé·e à Arles pour cette deuxième partie de séjour, ça passe très vite… trop vite !

Peux-tu nous parler des œuvres que tu as trouvées pendant ton séjour en Grèce ?
La Drag Queen qui a sauvé Noël de Konstantinos Maragos est un conte pour enfants que je vais vraiment mettre en avant et qui, je l’espère, trouvera sa place en France. C’est un sourire à chaque page ! Pour résumer, un petit lutin lit tous les vœux des enfants pour le Père Noël, mais il a un problème : un petit garçon a envoyé une lettre bleue mais voudrait un cadeau rose. Le lutin est alors complètement déboussolé et une drag queen, qui passait justement par là, ressent son agitation et va l’aider.
L’illustratrice Irini Spyridopoulou est très inspirée par l’univers japonais, on ressent la magie qu’on pourrait avoir dans des films d’animation. Il y a vraiment quelque chose qui nous enchante. Le texte est rimé, chantant, donc ça va être un sacré défi de faire une traduction simple et joyeuse. Je suis vraiment enthousiasmé·e par ce projet. J’ai fait beaucoup de projets de traduction compliqués et là, j’ai envie de m’amuser !
J’ai aussi trouvé quelques romans. Le premier est un roman de Lina Rokou, qui s’appelle La fin de la faim, aux éditions Ikaros, découvert grâce à Katerina Fragou de l’agence Iris. C’est l’histoire d’une jeune femme qui a été virée de son travail et qui est désespérée. Un palefrenier passe dans sa rue tous les jours et elle décide alors de lui vendre son foie pour gagner de l’argent. Ce n’est que le début d’étranges transactions. Le style est particulier, assez « innocent ». On avance avec elle sans savoir où l’on va. C’est un roman onirique, énigmatique, fin et percutant sur les relations humaines, les traumas du passé et les aléas du quotidien.
Il y a aussi Working boy / Le garçon au travail de Léna Divani, autrice très connue et populaire en Grèce, aux éditions Patakis. C’est un roman inspiré des histoires sexistes des années 90 : un roman initiatique en matriarchie, où les jeunes hommes ne valent rien s’ils ne sont pas beaux et pas mariés à de riches femmes influentes. Charis va connaître bien des péripéties entre sa Crète natale et la capitale des affaires grecques. L’autrice dénonce en transposant à l’inverse, et je trouve ça terrifiant, parce que jamais les hommes n’auraient accepté ce que les femmes* ont accepté. J’aimerais inviter tous les hommes cis de plus de 50 ans à lire ce bouquin, parce qu’il y a plein d’endroits où ça n’a pas changé. Très grave mais très drôle aussi.

Tu choisis des œuvres engagées. Y a-t-il des messages que tu souhaites faire passer à travers le choix de tes livres et de tes traductions ?
Si c’est moi qui apporte le projet, c’est clair qu’il va passer un message sur la condition des femmes*, la cause LGBTQIA+ ou encore d’autres sujets. Je sers un peu à ça !
J’ai envie de travailler sur des sujets qui me touchent, qui me donnent envie de militer et de m’engager.
Tu traduis, mais tu écris également. Penses-tu que ces activités se nourrissent entre elles ?
Non, je pense que c’est un problème de faire les deux. Tout ce que j’ai traduit depuis 2008 vient me nourrir moi personnellement, mes chorégraphies et mes performances. En tant que traductrice, il faut se coller à la « voix », au « souffle » qu’on traduit. J’ai besoin de travailler avec un cadre et j’ai l’impression que je ne peux pas me lâcher. Quand je travaille en tant qu’auteurice, je peux me lâcher complètement !

As-tu des actualités que tu veux partager ?
Le roman que j’ai traduit l’année dernière au CITL à Arles va sortir en novembre 2025 chez Chatterley : Chambre Noire – A shot in the Dark de Victoria Lee, une romance dans un milieu trans et artistique.
Mon livre poétique, qui s’intitule Une Valse à Londres, sera publié au printemps 2026 aux éditions de l’Aigrette !
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui veut se lancer dans la traduction ?
Quand j’ai commencé, j’étais le·a petit·e vosgien·ne, je ne connaissais pas grand monde dans le milieu. J’avais eu mon master de traduction à Strasbourg en 2005 et j’écrivais un peu partout, par hasard. On me félicitait pour mes travaux mais on ne me donnait pas de contrats. Pour nouer un lien avec des maisons d’édition, c’était très dur. Puis en 2012, grâce au programme Goldschmidt, j’ai pu me faire un réseau et rencontrer des gens qui m’ont donné des projets. En 2019, j’ai fait l’École de Traduction Littéraire. Depuis, j’avais complètement abandonné et on m’a contacté·e l’année dernière, en 2024. Ça faisait 19 ans que j’avais eu mon diplôme !
Donc je dirais qu’il faut s’accrocher !
À propos d’Archipelagos
Archipelagos est un projet triennal lancé en janvier 2024, co-financé par le programme Europe Créative de l’Union européenne et, en France, par La Sofia et la Région Sud. Porté par ATLAS, en collaboration avec 11 partenaires, il a pour objectif de mettre en lumière, auprès des lecteurs et des professionnels du livre, la diversité des voix littéraires d’Europe et le travail d’exploration mené par les traducteur.rices littéraires.

Archipelagos is funded by the Creative Europe programme of the European Union. Views and opinions expressed are however those of the author(s) only and do not necessarily reflect those of the European Union. Neither the European Union nor the granting authority can be held responsible for them.