Du 3 au 7 juillet, une dizaine de détenus de la Maison d’arrêt de Nice ont participé à un cycle d’ateliers d’initiation à la traduction littéraire arabe-français et français-arabe proposé par ATLAS et animé par Maxime Sténuit, traducteur de l’arabe et de l’allemand. Au programme de ces 5 séances : littérature jeunesse, poésie et chanson. Découvrez ci-dessous son retour d’expérience :
Retour d’expérience de la Maison d’Arrêt de Nice
par Maxime Sténuit
L’objectif affiché de l’atelier était d’offrir un espace d’expression à des détenus arabophones, qui peinent habituellement à participer aux activités socio-culturelles organisées au sein de la Maison d’arrêt. Tout comme moi, la coordinatrice des activités socio-culturelles a trouvé le groupe très collaboratif. Avec un regard toujours bienveillant, je me suis attaché lors de cet atelier à faire ressortir et mettre en valeur les connaissances linguistiques et culturelles souvent insoupçonnées des participants. J’ai particulièrement été marqué par un jeune homme, visiblement en grande souffrance psychologique, qui revenait chaque jour avec des yeux un peu plus souriants. C’est dans ces moments là qu’on a l’impression d’être au bon endroit au bon moment ! Un grand merci aux équipes d’ATLAS et de la Maison d’arrêt d’avoir rendu cela possible, sans oublier bien sûr le soutien de l’Agence Régionale du Livre !
Programme et déroulé de la semaine :
Session 1 : Littérature enfantine خط أسود (Ligne noire) par Yazan Al-Masarwah (2022)
Cette séance introductive avait pour objectif de faire connaissance, d’identifier le profil linguistique des onze participants, et d’annoncer la couleur en proposant de traduire en intégralité un ouvrage encore jamais traduit ! Comme attendu, une majorité des participants avaient des enfants, des neveux ou des nièces, et la mayonnaise a bien pris avec ce livre graphique pour enfants. Quelques membres du groupe ayant de grosses difficultés de lecture en arabe et en français, il a fallu tout au long de la semaine systématiquement passé par l’oral que ce soit pour le travail en binôme (association d’un fort avec un moins fort) ou en plénière.
Session 2 : Poème de Mahmoud Darwich, لاعب النرد (Le Lanceur de dé) (2008)
Lors de cette séance, nous avons traduit le début de ce long poème à caractère autobiographique de Mahmoud Darwich. Il s’agit de la dernière œuvre du poète où il se pose la question fondamentale « Qui suis-je ?». La voix du poète est mise en musique par le Trio Joubran. On montait d’un cran en termes de difficulté, mais sur un texte qui restait néanmoins très accessible. Le vers de poésie بيت signifie aussi « maison » en arabe, comme aimait à la souligner Darwich, à la fois « habité » par la littérature et toujours en quête de sa demeure. Les participants sont revenus en nombre à cette deuxième séance, ce qui confirmait le sentiment positif de la première séance. La séance a été productive et agréable. Le travail en binôme a bien fonctionné.
Session 3 : Poème de Jacques Prévert, Déjeuner du matin (1946)
Lors de la troisième séance, nous nous sommes essayés à la traduction du français à l’arabe sur un texte de Prévert que l’on peut facilement mimer. Les participants plus à l’aise dans l’écriture en arabe et les meilleurs francophones ont pu se mettre en valeur. La construction de binômes complémentaires était essentielle pour que la séance se déroule dans de bonne conditions. Faire découvrir le poète français le plus populaire du siècle passé était un objectif en soi !
Session 4 : Chanson/Sabahiyat de Fayrouz, لا تسألوني sur un texte de Nizar Qabbani (intemporel)
L’avant-dernière séance a été consacrée à Fayrouz et Nizar Qabbani. Réveil musical par excellence dans le monde arabe, Fayrouz nous promène dans l’univers lyrique de Nizzar Qabbani en interprétant le poème « Ne me demandez pas le nom de mon amoureux ». C’était de loin le texte le plus compliqué à traduire de la semaine, de par ses difficultés lexicales, syntaxiques et métaphoriques. En raison des parloirs et du travail obligatoire, cette séance a été la moins suivie.
Session 5 : Fin de خط أسود (Ligne noire) par Yazan Al-Masarwah (2022) et début d’un extrait de pièce de théâtre en dialectal الغرف الصغيرة (Les petites chambres) de Wael Kaddour (2013)
Pour conclure cette belle semaine, nous avons achevé la traduction du livre pour enfants de Yazan Al-Masarweh, illustré par Burcu Yilmaz. Bien que le texte soit court, il a donné lieu a beaucoup de discussion. Puis nous avons abordé un extrait d’une pièce de théâtre de l’écrivain syrien Wael Kaddour. L’objectif était de mettre les participants en contact avec la littérature dialectale afin de leur faire découvrir le champs des possibles. À l’invitation d’Ameline Habib, coordinatrice ATLAS qui a pris part aux deux dernières séances, l’atelier s’est terminée par un retour d’expérience des sept participants présents. Les retours ont été positifs et parfois touchants, plusieurs participants demandant même de prolonger l’atelier pour une semaine supplémentaire !
ATLAS tient à remercier Joanna Petlic, coordinatrice socioculturelle en charge du SPIP activités, pour sa confiance, son accueil et son accompagnement.
Avec le soutien de l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Centre national du Livre.