
Dans le cadre du projet Archipelagos, porté par ATLAS et co-financé par l’Union Européenne, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et La Sofia, le traducteur littéraire Benoit Meunier a effectué une résidence d’exploration en 2024 au CITL et avait répondu à quelques-unes de nos questions, que vous pourrez retrouver ici.
Il revient en 2025, un an après sa résidence, afin de mettre une voix, sa voix, à un texte découvert lors de son exploration, traduit et lu par ses soins. Ces textes inédits, apportés par les traducteurs et traductrices, font l’objet d’un podcast disponible sur le site d’Archipelagos.
Propos recueillis par Camille Sortino, volontaire en service civique avec ATLAS en 2025.
Comment est la vie à Arles ?
Je suis complètement dingue de cette ville ! J’ai un rapport particulier à Arles parce qu’une partie de ma famille en était originaire. Pour moi, c’est une espèce d’entrelacs incroyable entre le passé historique, ma mémoire personnelle, ma famille et mes centres d’intérêts, notamment la photographie, la littérature et la traduction.

Peux-tu nous parler de la résidence que tu fais actuellement ?
En réalité, c’est la troisième fois que je viens en résidence. J’ai fait une première résidence dans le cadre du programme Archipelagos à Arles en avril 2024 pendant deux semaines. Je suis ensuite revenu en octobre 2024 pour effectuer la mise en voix de textes découverts en avril, lors les 41es Assises de la traduction littéraire et cette fois, je suis ici pour enregistrer le podcast.
Les trois expériences ont été extrêmement enrichissantes, bien que très différentes : la première était une résidence plus « libre ». J’ai pu prendre le temps de traduire et d’effectuer des recherches sur des auteurs sélectionnés au préalable. La deuxième, pour la mise en voix, était plus intense. La mise en voix demande beaucoup de travail sur un temps très court, donc on était tous focalisés sur nos propres textes. La troisième s’articule autour des podcasts dans le cadre du projet Archipelagos. C’est super, parce que j’ai découvert plusieurs textes : chaque traducteur et traductrice avait au moins un bouquin que j’aimerais lire ! J’ai trouvé que le niveau et la qualité des traductions étaient excellentes.
Qu’est-ce que cette troisième résidence apporte selon toi ?
Paradoxalement, ce qui est intéressant, ce n’est pas tant le podcast que tout le reste : on a pu échanger sur énormément de sujets en amont et en aval des textes, faire un véritable partage d’expériences sur le travail, les textes et la diffusion, se conseiller sur d’éventuelles pistes éditoriales. Je n’ai pas hésité à bassiner tout le monde avec mes questions, parce que tout le monde se les pose : la légitimité, les stratégies à adopter, les problèmes concrets, et tout ça a mené à de nombreuses réflexions !
Pour ce qui est de la portée de ce podcast, il faut voir avec le temps et demander également aux autres traducteurs et traductrices. C’est très certainement un outil en plus. Pour moi, par exemple, le fait d’avoir une fiche Archipelagos, ça a contribué à ma visibilité. C’est ma carte de visite sur Internet parce qu’avant, je n’existais pas. Maintenant, si un éditeur me cherche, il me trouve.
As-tu d’autres choses à ajouter sur la résidence ou le programme Archipelagos en général ?
C’est important de le dire : le travail, le podcast et tout ce qui est fait autour, c’est assez puissant. Le CITL, c’est un endroit magique et fédérateur, qui permet de tisser des liens entre les traducteurs et les traductrices.
J’aimerais donc dire un grand merci à l’équipe d’ATLAS, qui rend ça possible. Ça joue beaucoup dans ma carrière, pas au sens commercial et financier du terme, mais dans le sens où ça va améliorer sa qualité. Je vais travailler avec des personnes qui traduisent aussi de la poésie, je vais pouvoir rester en contact, échanger, poser des questions, etc.
J’aimerais remercier Sara Vybiralova du Czechlit, l’institut qui soutient les traducteurs et traductrices du tchèque, et partenaire d’ATLAS pour le projet Archipelagos. Pour moi, le Czechlit est hyper important : ils me font intervenir en France, en Tchéquie pour parler de mon métier, et me mettent en contact avec des auteurs et autrices. C’est un soutien permanent et c’est eux qui m’avaient suggéré de postuler au programme Archipelagos, chose ce que je n’aurais jamais fait tout seul.

Et pourquoi la langue tchèque ? Quelle est ton rapport à cette langue ?
C’est un mélange un peu curieux ! Ce n’est quand même pas un pur hasard : j’avais fait des cours de russe à Lyon 2 dans les années 90 et j’étais déjà intéressé par les langues slaves.
À 20 ans, j’ai eu l’impression de tourner en rond. Il fallait que je parte, que je bouge, alors j’ai pris mon sac à dos et je suis allé à Prague. Je me suis pris au jeu et me suis intéressé à la langue tchèque, qui est aussi une langue slave.
J’ai par la suite fait un passage à la Sorbonne chez Xavier Galmiche, professeur de littérature tchèque, qui m’a permis de traduire un inédit de Bohumil Hrabal. Cette traduction a été publiée et je me suis dit que c’était vraiment ce que je voulais faire.
Ça fait maintenant plus de 20 ans que je vis là-bas, j’y ai ma famille, mes amis et mon travail. C’est une langue que je pratique au quotidien et que j’adore, qui est très amusante et surprenante.
Arrives-tu à vivre de la traduction maintenant ?
Ce serait envisageable de vivre de la traduction littéraire mais il faudrait que je traduise beaucoup de choses que je n’apprécie pas forcément. Ce serait triste. Et puis, j’ai découvert que j’adore enseigner ! Je suis donc également professeur à mi-temps, dans un lycée et une université à Prague. J’enseigne le français et la traduction, ce qui complète mon métier de traducteur.

Tu es également poète et écrivain. Penses-tu que ton travail de poésie et ton travail de traduction se nourrissent entre eux ?
Oui, mais je ne sais pas dans quelle mesure.
C’est sûr que lorsqu’on écrit de la poésie, on est intéressé par la poésie en langue étrangère. Traduire de la poésie, c’est un extrême du spectre de la traduction. C’est un endroit spécifique, une sorte de no man’s land, où il faut créer, travailler son expression pour refaire œuvre. Il y a l’idée de faire passer ce qui est impossible à faire passer, l’idée de jouer, de s’amuser dans cet endroit entre les deux langues.
Il y a également l’idée que lorsqu’on n’écrit pas de prose ou de poésie, on ne se lève pas pour écrire un certain nombre de pages, on ne passe pas ces journées à écrire. La traduction, c’est ainsi une façon de meubler, de se nourrir différemment.
Le lien se fait peut-être comme ça : par la créativité, la recréation, le côté ludique, le côté nutritif et « qui complète ».
Pour conclure, as-tu des actualités dont tu voudrais parler ?
En 2024, j’avais traduit Viande de Martin Harníček, publié aux Monts Métallifères, maison d’édition géniale avec qui j’espère collaborer pour d’autres projets. Cette année, j’ai traduit un deuxième texte du même auteur, Albin, qui sortira en janvier.
J’ai également appris très récemment que j’allais enfin pouvoir publier, après des années d’attente, le recueil Nulle part d’où venir de Jaromír Typlt, un grand poète tchèque qui est aussi un ami. Ses poèmes vont sortir à La Rumeur libre au printemps.
Enfin, je suis en train de traduire un roman pour adolescents qui s’appelle Prašina de Vojtěch Matocha, pour un éditeur marseillais qui ouvre une collection de littérature jeunesse. C’est un roman d’aventures qui se déroule dans les rues de Prague, l’ambiance est très forte.
Retrouvez le portfolio de Benoit, et le fruit de ses recherches, sur archipelagos-eu.org/translators/
À propos d’Archipelagos
Archipelagos est un projet triennal lancé en janvier 2024, co-financé par le programme Europe Créative de l’Union européenne et, en France, par La Sofia et la Région Sud. Porté par ATLAS, en collaboration avec 11 partenaires, il a pour objectif de mettre en lumière, auprès des lecteurs et des professionnels du livre, la diversité des voix littéraires d’Europe et le travail d’exploration mené par les traducteur.rices littéraires.

Archipelagos is funded by the Creative Europe programme of the European Union. Views and opinions expressed are however those of the author(s) only and do not necessarily reflect those of the European Union. Neither the European Union nor the granting authority can be held responsible for them.

